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Ce n'était pas qu'il détestait le métro, mais ses nombreux tunnels forçaient les humains à s'entasser en leur sein. Côtoyer une foule effrénée de mortels n'hésitant pas à vous écraser sur leur passage, c'était loin de la définition du plaisir. Comme Thor et sa petite bande de crétins héroïques.
Assis nonchalamment sur un vieux banc de bois, Loki, les bras croisés sur son torse, laissait ses yeux aller et venir le long du quai maintenant déserté par les touristes. Lauren était adossée à un poteau métallique juste devant lui. Dans l'attente d'une rame, elle téléphonait à une tierce personne.
Il s'était pourtant raisonné ; très bientôt, elle ne serait plus un danger, et malgré ça il ne pouvait s'empêcher de l'admirer. L'écho de son compliment résonnait encore en lui, et quant il l'observait, il s'étonnait à retrouver par moment la patience et le courage de sa mère. Elle t'adorerait, pensa-t-il en souriant tristement, ça ne fait aucun doute.
Ils gagnèrent le sud en une vingtaine de minutes, Grand St Station marquant leur arrivée dans Chinatown. Lui emboîtant le pas, il s'arrangea pour ne pas la perdre au milieu de cette foule. En même temps, comment aurait-il pu en faisant une tête de plus qu'elle ? Quant ils remontèrent à la surface, il la regarda prendre une longue inspiration. Tous deux immunisés contre le froid, seuls les tenues des passants et la fumée blanche de leur souffle pouvaient encore indiquer sa présence. Lauren semblait troublée, d'ailleurs, elle se tourna vers lui quelque peu embarrassée.

- De... ce côté, indiqua-t-elle en penchant la tête.

Depuis qu'ils avaient quitté son appartement, ni l'un ni l'autre n'avait essayé d'entamer la conversation. Peut-être lui arrivait-elle d'être ingénue, si ce n'était naïve par moment ; mais elle n'était pas stupide. Quelque chose te perturbe, pensa-t-elle. Est-ce en rapport avec tes souvenirs ? Ou est-ce moi la cause de ces vilaines rides sur ton front ? Qui soit dit en passant te donne un air grave so divin. Elle sourit mais de façon aussi tendre qu'éphémère. Ce serait une mauvaise idée... Tu ne sais rien de lui, même pas son nom de famille ! Sa petite voix avait raison. Sois raisonnable, et laisse le partir.
Sous le ciel diurne s'effaçant peu à peu, les deux êtres remontaient l'Eldrige Street. Kyle, silencieux au possible, se gardait de marcher à ses côtés, s'assurant toujours un pas de retard sur elle. La délicieuse odeur émanant des quelques restaurants parvenait à leur nez, portée par une brise encore fraîche qui faisait onduler paisiblement les arbres plantés plus en avant. J'peux pas le faire, s'avoua-t-elle, le regard tiraillé par la douleur. J'peux pas... J'y arriverais pas. Elle marchait tête baissée, réalisant qu'une des chaînes qui l'entravait venait de se briser. C'est ça... C'est pour ça que...

- Attention !

Une douleur aiguë raisonna dans son crâne. Son corps se mouva et presque aussitôt il réagit ; attrapant ses épaules, Kyle ralentit sa chute lorsque son dos heurta son torse. Lauren se figea - les yeux écarquillé ; le souffle coupé – tout comme la main du temps. Basculant la tête en arrière, elle s'étonna de le voir tout autant troublé et aphone qu'elle. Incapable de penser, de parler, elle sentit les mains de cet homme se crisper un peu plus. Leur respiration se faisait écho tant leur visage était proche l'un de l'autre. Rougissant, elle s'éloigna hâtivement en évitant ce coup-ci l'horodateur.

- Quelle maladroite vous faites, plaisanta-t-il maladroitement.

Elle allait prendre une longue inspiration quand le ton de sa voix l'interpella. Ne me dis pas que... Ses yeux s'écarquillèrent lentement. Un fait venait de l'apostropher ; une réalité tellement évidente à présent qu'elle en devenait risible. Toute cette douleur que provoquaient ses craintes, ses questions, le passé de Kyle et se qu'il pouvait penser d'elle... Tout cela n'avait à présent plus le moindre pouvoir. Cette emprise qu'elle avait exercé sur elle toutes ces années venait d'imploser, laissant place à une euphorie déstabilisante certes, mais tellement grisante ! En se tournant elle lui adressa son plus rayonnant sourire.

- Rassurez-vous, je ne le suis que cinquante pour cent du temps !

Lui tendant la main, elle lui proposa de reprendre leur route. Il accepta sans pour autant la saisir. Déçue, elle fit comme si de rien n'était et, se massant le front, marcha de nouveau.

Pourquoi tu l'as rattrapé ? pensa-t-il en soupirant. Si elle ne s'était pas éloignée... Oh non, il refusait de l'imaginer. L'expression de son visage était si pure et innocente qu'il en avait rougit. Jusque là, peu de gens, si ce n'était personne, avaient réussi cet exploit ! Et ce sourire si joyeux... Ce coups-ci, il cru vraiment que son cœur allait imploser.
Suivant ses pas, il regrettait amèrement de ne pas avoir agit avant. Sa place n'était certainement pas là, pourquoi s'entêter à rester alors ? Il en avait bien la réponse mais refusait encore de l'accepter. Lauren... Tous ces moments passés à ses côtés lui avait montré combien l'univers pouvait être encore plus mystérieux qu'il ne l'était. Tant de questions sur elle dont il n'avait la réponse... Sa voix intérieur raisonna de nouveau en lui, éclairant une zone d'ombre. Tout ce mystère émanant d'elle le rendait accro, au delà même du raisonnable. Puisque qu'incapable de la tuer, il devait la quitter... Partir avant de ne plus en être apte. La prophétie... Plus il y pensait, et plus quelque chose lui disait que cet avenir allait causer pas mal de tort, à lui comme à elle. Loki n'avait jamais trop aimé les prophéties. Celles-ci ne laissaient toujours que peu de place à l'imprévisible, son terrain de jeu favori.

Lauren s'arrêta, le ramenant à l'instant présent, avant de regarder autour d'elle. En retrait sur cette rue des plus banales, son regard se portait sur une porte en acier sans nom. S'en approchant, elle regarda en haut à gauche de l'encadrement avant de frapper trois fois. Lui observait la scène, attendant sagement de découvrir ce qui semblait être leur destination. Le manque de graisse se fit entendre quand la porte fini par s'ouvrir, révélant à eux un jeune homme vêtu de blanc et de noir.

- Bienvenue, souri-t-il en la reluquant, mademoiselle... Gonflé.

Ses sourcils se froncèrent, et quelque chose lui disait qu'il n'allait pas beaucoup aimer cet homme. Bon sang, encore ?!

- Sam ? lança-t-elle méfiante.
- Pardon... Je parlais de votre front.

Elle porta une main à la dite zone, Loki quant à lui se força à calmer ses nerfs.

- Ah... Oui, je me suis payée un horodateur.
- Je... vois. Vous n'en restez pas moins ravissante, ajouta-t-il pour se rattraper.

Elle le remercia timidement, ce qui fit serrer les dents du dieu. Il s'avança jusqu'à frôler le fin corps de Lauren, son regard devenu plus menaçant envers le bipède. Et ça recommence, se plaignit-il mentalement en prenant conscience de son comportement. L'homme, ayant visiblement compris, rentra et eux avec. Rapidement, elle balaya la pièce du regard avant de venir s'accouder au comptoir. Les deux se semblaient se connaitre quelque peu. En attendant qu'ils en aient fini, il alla s'asseoir sur un tabouret non loin d'elle.
Il vivait depuis plus d'un millénaire et pourtant, ces deux derniers jours lui paraissaient les plus longs et plus encore, hors du temps. Un mystère extra-terrestre nappait Lauren d'une sorte de halo, il pouvait presque en sentir l'énergie générée. Il s'en rendait compte à présent, plus les heures s'écoulait et plus il en voulait. Mais pieds et poings liés par lui-même, il se retrouvait impuissant. S'enticher de sa proie fut sa plus grande erreur. Et comme chacune qu'il eut commise, celle-ci avait également un prix. Soit elle disparaissait de sa vie, soit il restait à ses côtés aussi longtemps que nécessaire pour percer jusqu'au dernier de ses secrets. Dans les deux cas, son existence s'en voyait totalement chamboulée. Qu'allait-il décider ? Ça, il n'en savait encore rien.

Comme Lauren aimait venir ici ! L'Attaboy - pareil à quelques autres bars «clandestins» de la ville - avait la chance d'être tenu par des passionnés. Il y régnait une ambiance aussi chaleureuse que feutrée. Vanity Fair avait raison quant il disait que ce lieu ressemblait à un wagon de l'Orient-Express. On pouvait presque sentir les petits tremblements dû au trajet si l'on fermait les yeux. Une musique des années 20 flottait dans l'air, le célèbre Charleston. Quelques gens discutaient ici et là, un cocktail à la main.
Avec l'agilité d'un chat, elle se fraya un chemin jusqu'à son ami. Elle ne put s'empêcher une nouvelle fois de l'admirer. Le costume qu'il arborait lui donnait une telle classe ! Son corps semblait sculpté pour lui, comme la chaussure de verre l'était pour Cendrillon. Ses joues s'échauffèrent et son cœur s'accéléra, car jamais de sa vie elle n'avait contemplé un homme aussi captivant.
Il fallait qu'elle le dise. Ces mots devaient résonner dans son entière personne avant qu'ils ne la consument. De nos jours on le disait à tout vas, mais il n'y avait rien de plus sacré pour elle. Malgré sa solitude, c'était une romantique. Allez, dis le. Ces trois mots qui changerait son avenir. Elle en mourrait d'envie mais n'était pas encore prête à le faire. Alors attends... Le bon moment finira par arriver. Elle prit une longue inspiration avant d'aller s'asseoir à côté de lui, et attendit de longues secondes avant de crever le silence.

- Mon client ne devrait plus tarder... Désolé que vous ayez à me suivre tout le temps. Ça doit être lassant à force, non ?

Elle n'osait le regarder dans les yeux, de peur que ses joues ne s'enflamment littéralement. Elle joua alors avec ses pouces mais cela ne l'aida pas le moins du monde. Sam vint devant eux, amical et professionnel comme toujours.

- J'écoute les amoureux.

Elle se figea tandis qu'il lui lança un drôle de regard.

- On est pas... Enfin, je...
- Calmez vous Chérie, j'ai capté. Vous m'avez l'air assez éprouvée non ?
- Vous n'avez pas idée.

Il caressa son menton d'un air songeur.

- Pomme ?
- Je ne peux y résister, sourit-elle malicieusement. J'ai besoin de courage ce soir Sam.

Il nota tout ça sur son carnet.

- Et votre ami ?

Tous deux le regardèrent, il sembla gêné.

- La même chose qu'elle, fini-t-il par marmonner.
- Ok ! C'est parti.

L'avenir s'annonçait sacrément mouvementé, ce qui n'était peut-être pas une mauvaise chose. Kyle était le plus grand de tous les défis qu'elle n'avait jamais rencontré, ça tombait bien ! Elle aimait les relever. Se surpasser et aller toujours plus loin étaient là deux motivations dans sa vie.
En y regardant de plus près, depuis qu'elle avait accepté de lui apporter son aide, cette quête n'avait pas vraiment avancé. Tout a changé. Sa volonté de l'aider à retrouver la mémoire s'était, elle ne sait comment, muée en un désir personnel de connaître tout de sa vie. Elle commença alors à réfléchir. Ce bel homme avait une famille non ? Alors pourquoi celle-ci ne l'avait pas contacté une seule fois depuis dimanche dernier ? Il y avait là quelque chose de pas normal. Sam revint vers eux, la coupant dans son élan. Il tenait dans ses mains deux verres, l'un était long et l'autre plus petit, comme un verre à whisky.

- Un Applesky pour mademoiselle, et un Americano pour vous.
- Mais j'avais...
- Ta ta ! On ne sert jamais le même cocktail dans la soirée.

Sam rit et elle s'amusa à voir Kyle bouder en réponse. Chacune de ses expressions était d'une incomparable fascination à observer.

Un grincement métallique attira son attention ; quelque peu débraillé, mais vêtu tel un hipster faisant tomber les filles, un homme entra. Serait-ce lui ? se dit-elle alors qu'il parlait à l'oreille de Sam, qui fit un geste dans sa direction.

- Bonsoir M'dame, ravi de vous rencontrer.

Elle se leva de son siège - Kyle n'en fit rien - et lui serra doucement la main. Il lui semblait plutôt jeune, courtois et il fallait bien se l'avouer, il portait le jean à bretelle comme personne.

- Moi de même, Monsieur... Oaken ?
- Appelez moi Tim.
- Et moi Lauren, répondit-elle dans un sourire.

Elle ne savait pas s'ils parleraient là, ou s'ils devaient s'éloigner. L'artiste aida au choix en lui proposant d'aller s'asseoir à l'une des tables encore disponible plus loin.

- Je ferai au plus vite, dit-elle en se tournant vers son ami.
- Ne vous pressez pas pour moi, marmonna-t-il en retour.

Son ton lui tira une mine inquiète qui ne manqua pas de l'interpeller ; elle s'en alla dans la micro-seconde suivante, cœur battant et rouge aux joues.

Ça en aura prit du temps, mais ça y est !

J'espère que cela vous a plu.

Voici pour nos amis un début de soirée plein d'émotion et de révélations.

8-p

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